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par Nicolas Lefebvre Legault Cet automne se tiendra à Québec un important colloque organisé par Radio Basse-ville (CKIA) et le journal Droit de parole. « Des médias communautaires résistent et signent! » se veut un espace de réflexion et de débats sur les pratiques des médias communautaires, alternatifs et indépendants... Une réflexion sur les parents pauvres du monde médiatique ne peut faire l’économie d’une critique des mass medias. Le discours libéral veut que les médias soient l’un des piliers de la démocratie. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec déclare : « Une information complète, exacte et pluraliste est une des garanties les plus importantes de la liberté et de la démocratie. » Elle ajoute que « le rôle essentiel des journalistes est de rapporter fidèlement, d’analyser et de commenter les faits qui permettent à leurs concitoyens de mieux connaître et de mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent ». Dans les années 1920, de nombreux intellectuels libéraux voyaient la chose différemment. L’époque était caractérisée par la montée des « rouges » et l’extension des droits démocratiques. Walter Lippmann, un journaliste démocrate américain très influent, a alors résumé le rôle des médias par une formule lapidaire : la fabrication du consentement qui devait permettre aux élites de contrôler l’opinion publique. Le modèle propagandiste Le modèle de « fabrication du consentement » est redevenu célèbre quand Noam Chomsky et Edward S. Herman l’ont repris comme titre d’une étude sur le rôle des médias dans les sociétés industrielles avancées : Manufacturing consent. Les auteurs ont voulu « étudier les médias comme un scientifique étudierait, par exemple, une molécule ou quelque autre objet complexe ». Leur hypothèse, vérifiée et contre-vérifiée à maintes reprises et dans de nombreux pays, est que les médias « servent à mobiliser des appuis en faveur des intérêts particuliers qui dominent les activités de l’État et celles du secteur privé ». Autrement dit, les médias servent à faire de la propagande. Selon eux, certaines caractéristiques structurelles conditionnent la façon dont les médias comprennent et représentent le monde. Chomsky et Herman ont identifié cinq filtres pour expliquer en quoi et comment la production médiatique est biaisée. Pris isolément, ces filtres ne changent pas grand-chose; c’est globalement qu’ils en viennent à façonner un modèle propagandiste. Ces cinq filtres sont : 1) La propriété, la taille et la nature à but lucratif des médias. Les entreprises de presse contemporaines sont d’immenses empires dont la portion « communication » n’est qu’une des facettes. Non seulement ces empires n’ont pas d’intérêt dans la contestation du statu quo mais ils défendent souvent des intérêts très spécifiques. (Power Corporation, par exemple, possède Gesca – Le Soleil, La Presse et 5 autres quotidiens –, mais également des compagnies d’assurance intéressées à une ouverture de la santé au privé.) Selon la Fédération nationale des communications (CSN), « si les propriétaires des groupes de presse ne s’immiscent pas directement dans le contenu quotidien de l’information, ils savent généralement s’entourer des personnes qui veillent sur leurs intérêts. Ils peuvent ainsi contrôler, à distance, le traitement de l’information et les choix de leurs publications » (1). 2) La dépendance envers la publicité. La publicité représente l’essentiel des revenus des médias. (Au Québec, elle compte pour 80 % des revenus des quotidiens, pour 70 % des revenus des périodiques et pour plus de 90 % de ceux des autres médias.) Dans ce contexte, les médias ne vendent pas tant un produit d’information à un public qu’un public à des annonceurs. Patrick Le Lay, PDG de la chaîne de télévision française TF1, a bien résumé la situation quand il a affirmé que son métier était « d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit », en précisant que « ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible » (2). La pression des annonceurs peut être énorme et pousse parfois les médias à censurer leurs journalistes. Ce fut le cas de Jean-Simon Gagné qui s’est vu retirer un temps sa chronique dans Le Soleil parce qu’il avait osé écrire un papier critiquant l’un des gros annonceurs du journal. 3) La dépendance envers les sources. La volonté d’économiser, pour faire plus d’argent, a poussé la plupart des médias à réduire leurs salles de nouvelles à leur plus simple expression. Or l’information ne pousse pas dans les arbres. Les médias sont de plus en plus dépendants de leurs sources d’information qui comprennent notamment la haute fonction publique, le personnel politique, les entreprises via leurs firmes de relations publiques, les groupes de pression et les agences de presse. Comme le rappelle la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, déjà citée, « il suffit de réduire les ressources pour altérer considérablement la capacité des journalistes d’enquêter, de se documenter et d’analyser. Ceci donne lieu, trop souvent, à une couverture systématique des mêmes événements, à la reprise des communiqués officiels et au martèlement de la pensée unique. Un choix en apparence purement économique peut s’avérer un moyen très efficace de limiter les débats publics et les remises en question sur des enjeux que ne partagent pas les propriétaires d’entreprises de presse, ou sur des enjeux qui menacent leurs intérêts ». 4) La critique perpétuelle des médias. Elle peut venir soit de la droite populiste qui prétend que tou-te-s les journalistes, sauf les sien-ne-s, sont d’incorrigibles gauchistes en faveur du statu quo, soit d’une certaine élite économique qui déplore que les médias accordent trop de place à la « contestation » et qui les tient responsables de l’échec de leurs projets. 5) L’anticommunisme. A priori, ce filtre peut sembler essentiellement américain. Pourtant, dans la région de Québec, on constate qu’il suffit souvent à certains commentateurs de décréter que quelque chose est d’inspiration communiste ou socialiste pour le discréditer immédiatement. J-Jacques Samson, par exemple, nous explique candidement, dans le Journal de Québec, que les CPE sont d’inspiration socialiste. La façon la plus simple de discréditer un projet, un groupe ou une critique est de les qualifier de « gô-gôche », même si c’est faux. Et maintenant? Ce ne sont évidemment pas les seuls facteurs expliquant le fonctionnement des médias mais ça permet de comprendre bien des choses. La première : une majorité d’artisan-es sont des gens de bonne volonté, ce n’est pas l’action des individus qui est en cause. Le biais systématique des médias en faveur des élites n’est pas le fruit d’une volonté délibérée de contrôler l’opinion publique même si ça arrive. Nul besoin de contrôler le travail des journalistes au jour le jour, les limites du cadre dans lequel s’exerce leur travail tendent déjà à produire un tel résultat. D’ailleurs, les bon-nes journalistes savent où sont les limites et certain-es sont passé maître dans l’art de jouer avec les contraintes. Les journalistes de gauche sont malheureusement « l’exception qui confirme la règle » et leurs efforts ont surtout pour résultat de donner une caution au modèle médiatique en semblant prouver que plusieurs voix arrivent à se faire entendre. Comprendre le rôle propagandiste des médias n’implique pas nécessairement de les déserter. Une fréquentation assidue est même recommandée, ne serait-ce que pour comprendre nos contemporain-es et leur environnement mental. (74 % des adultes de Québec lisent un quotidien et presque tou-tes regardent la télé.) Il faut juste savoir qu’on le fait à nos risques et périls... Et cela n’exclut pas de consulter les médias alternatifs, au contraire! Pour en savoir plus Un film Manufacturing Consent - Noam Chomsky and the Media, un film de Mark Achbar et Peter Wintonick (ONF, 1992) – Version française : Noam Chomsky : les médias et les illusions nécessaires. Un livre Propagande, médias, démocratie, Noam Chomsky et Robert W. McChesney, Écosociété, 2000. Notes : (1) Source : Mémoire présenté à la Commission de la culture sur les impacts des mouvements de propriété dans l’industrie des médias (février 2001). La Fédération nationale des communications n’est pas exactement un repaire de gauchistes. Elle regroupe plus de 7 000 professionnel-les de l’information dont, entre autre, les syndicats de journalistes du Soleil, de La Presse, du Devoir et de Radio-Canada. (2) Source : AFP, 9 juillet 2004. Encadré La concentration de la presse au Québec Quotidiens – Il y a 10 quotidiens francophones au Québec. Deux groupes dominent le marché. Avec 2 journaux, Quebecor diffuse, en 2004, 45,6 % du tirage francophone, tandis que Gesca en imprime 51,5 %. Il ne reste qu’un indépendant : Le Devoir (2,9% du tirage). Hebdos – Il y a 174 hebdos régionaux au Québec. Deux groupes dominent le marché. Avec 55 journaux, Transcontinental imprime, en 2005, 39% du tirage total et Quebecor, avec 45 journaux, en imprime 21 %. Restent quelques autres groupes de moindre importance, se partageant 27 % du tirage, et 31 journaux indépendants (13 %). Radio – Le Québec compte 100 stations de radio AM et FM privées. Il y a deux grandes entreprises de radio bien établies et deux en émergence. La plus importante est Astral Media qui possède 25 stations au Québec, ainsi que les réseaux Énergie et Rock Détente. Son principal concurrent est Corus, qui possède une douzaine de stations. À eux deux, ces groupes accaparent, en 2004, 73 % des revenus publicitaires de la radio francophone au Québec. Les deux groupes en émergence sont Radio-Nord (6 stations) et Cogeco (5 stations plus le réseau Rythme FM). Les médias communautaires au Québec Ne sont comptabilisés que les médias communautaires soutenus financièrement par le ministère de la Culture et des Communications du Québec (ce qui exclut donc un journal comme l’Infobourg). Médias écrits – 56 journaux dans la province, 3 dans la région de Québec. Télévisions – 38 dans la province, 4 dans la région de Québec. Radios – 33 dans la province, 4 dans la région de Québec. Source : ministère de la Culture et des Communications, 2005 et 2006. == Extrait du numéro d'été 2006 du journal l'Infobourg.