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Par Nicolas Lefebvre Legault
Le 17 mai 2002 débutait l’occupation prolongée d’un immeuble vacant de l’îlot Berthelot sis au 920, de la Chevrotière. Pendant quatre mois, des squatters allaient vivre au rythme d’une intense lutte collective qui a encore des échos dans le quartier. Nous pouvons affirmer que «le squat du 920, de la Chevrotière» a ouvert la voie au projet de la coopérative l’Escalier qui est sur le point de se conclure.
D’occupation à squat
Au plus fort de la pénurie de logements, en mai 2002, le FRAPRU propose une semaine nationale d’occupations prolongées de terrains et de bâtiments vacants. Pour répondre à l’appel, le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste organise l’occupation du 920, de la Chevrotière. Pendant des mois, les militants-es préparent leur action. Le jour choisi, plus de 300 manifestants-es sont au rendez-vous. Forts-es de l’expérience tactique du Sommet des Amériques, les militants-es parviennent sans trop de mal à déjouer la police et à occuper un immeuble vacant, propriété de la Ville. Tout avait été prévu, sauf un léger détail: la durée de l’occupation. Mobilisés-es pour une occupation un peu plus longue qu’à l’habitude (quelques jours), les militants-es sont finalement restés-es quatre mois. C’est tout naturellement que les occupants-es, toujours entre 10 et 30 personnes à la fois, se sont peu à peu approprié le contenu et la forme de l’action et l’ont d’abord transformée en occupation «ouverte», puis en squat politique autogéré. Une foule d’activités culturelles, sociales, politiques ou tout simplement festives ont émergé du squat. Fêtes de rue, activités de quartier, projections vidéo, conférences, performances, spectacles, manifs et actions militantes. D’ailleurs, la librairie sociale autogérée La Page Noire est née dans le demi-sous-sol du squat. La créativité foisonnait. La vie en ébullition, quoi!
Plus large que le logement
À l’origine, l’occupation était centrée sur la question du logement. Le but était essentiellement de revendiquer du logement social et de freiner la prolifération de condos. Par contre, ce ne serait pas faire justice aux squatters que de réduire leur lutte à cette seule question. Leurs revendications allaient beaucoup plus loin. C’est toute la question de l’autogestion et de la démocratie sociale qui était au cœur de la lutte et des pratiques des squatters. La question du logement a évolué vers une question de fond posée par les squatters concernant la façon d’investir et de se réapproprier le quartier dans un contexte de lutte contre la gentrification. Dès le départ, les occupants-es élargissaient les perspectives en revendiquant, et en obtenant, un moratoire sur la conversion de logements en condos, moratoire encore en vigueur aujourd’hui. L’évolution est aussi apparue dans d’autres revendications. Au départ, les occupants-es voulaient que le squat soit transformé en coopérative d’habitation traditionnelle, alors qu’à la fin, les activistes revendiquaient un OSBL d’habitation incluant «des espaces ludiques, de la verdure, des locaux à usage communautaire, des logements-dépannage et d’autres ressources répondant à des besoins énumérés dans un projet élaboré par les occupants-es avec les résidants-es du quartier». En un mot comme en cent, les squatters voulaient changer la vie.
La fin
Les squatters ont été perçus-es comme l’est un chien dans un jeu de quilles par certaines élites communautaires et politiques habituées de faire copain-copain. Ainsi, Christian Simard, à l’époque D.G. de la Fédération des coopératives d’habitation, a utilisé le rapport de force créé par les squatters pour négocier, sans leur en parler, un compromis impliquant un projet mixte de coops et de condos de luxe. Quand il a eu ce qu’il voulait, il a organisé une conférence de presse (ah! le traître!) pour dénoncer les occupants-es, qualifiant leur action de «nuisible à la cause du logement social». Il faut dire aussi que le squat avait donné des idées à de «vrais-es» sans-abri qui se sont installés-es dans l’immeuble d’en face (le 921), causant un sentiment d’insécurité chez les locataires des alentours. La Ville avait maintenant «son prétexte» et l’expulsion policière a suivi de peu. Le 20 septembre, le squat avait vécu. Le souvenir de cette occupation était tellement vif à la mémoire de la Ville qu’un an plus tard, apprenant que le Comité populaire organisait une nouvelle manifestation pour souligner l’anniversaire du squat, elle a fait percer les bâtiments pour les rendre inhabitables. Quelques semaines plus tard, elle les fera démolir! Cela ne fut pas suffisant pour sauver le projet de condos de luxe de Cazo, sur lequel a plané le spectre des occupants-es jusqu’à son abandon définitif… et la relance de la lutte par le Comité populaire avec le projet de coopérative l’Escalier. Le squat aura finalement survécu.
Extrait du numéro de juin 2007 du journal l'Infobourg