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Par Hélène Vallières Le vendredi 20 septembre, les occupantes et occupants du 920 de la Chevrotière se sont fait évincer par les policiers de la Ville de Québec. L’occupation a fait coulé beaucoup d’encre dans les médias de masse, dont la couverture a amené son lot de désinformation, et a dérangé, même au sein des groupes faisant la promotion du logement social. Il convient aujourd’hui de s’arrêter un instant pour faire un bref bilan de quatre mois d’occupation. L’occupation du 920 de la Chevrotière, une initiative du Comité populaire Saint-Jean-Baptiste dans le cadre de la campagne nationale d’actions du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), s’est rapidement transformée en une action politique plus proche des squats européens. Les occupants et occupantes ont mis l’accent dès le débutsur l’aménagement de l’espace pour qu’il devienne habitable. La transformation, la rénovation et l’organisation collective de l’espace du 920 ont pris une importance déterminante dans les premiers temps. L’occupation s’est transformée en expérience de réappropriation collective unissant les gens du quartier, les voisins, les sympathisants proches ou plus distants, etc. Les deux premiers mois ont laissé place à l’expression d’une solidarité peu commune qui s’est traduite concrètement de différentes manières (dons de nourriture et de matériel, soutien moral, politique et financier). Les sympathisants ont véritablement contribué, par leur soutien et leur solidarité, à faire du 920 un lieu vivant, politique et collectif. On peut affirmer que les occupantes et occupants comprennent celles et ceux qui « occupaient » l’édifice en tant que tel, ainsi que ceux et celles qui « s’occupaient » du 920… Dans cette perspective, l’occupation du 920 s’est inscrite dans la vie du quartier comme une action collective permettant l’expression et la construction d’une solidarité concrète entre gens intéressés à la vie de leur quartier et de leur société. L’occupation comme moment de la lutte pour le logement social L’occupation se situe également dans une lutte pour le logement social. Les occupants et occupantes ont toujours revendiqué que sur le terrain de l’îlot Berthelot, il n’y ait QUE du logement social. La Ville de Québec, ainsi que la Commission de la Capitale nationale, désirent y construire des condos de luxe afin que touristes, gens d’affaires et agents du gouvernement puissent admirer le prestige bien astiqué de la ville. Or, pour une question de pur apparat, la Ville non seulement empêche la construction de logements sociaux, mais participe à la gentrification du quartier Saint-Jean-Baptiste. Des condos de luxe feront augmenter, encore davantage, le coût de la vie de tout le quartier en général. Pour les ex-occupantes et ex-occupants du 920 de la Chevrotière, la lutte pour le logement social ne peut se réduire aux programmes et promesses existant déjà. Elle doit comprendre une lutte politique pour élargir le cadre d’action des groupes qui réalisent les projets de logement social. La lutte contre les condos se situe dans cette perspective. On pourrait y inclure une lutte contre les stationnements souterrains (règlement de zonage qui rend souvent les projets de logement social trop coûteux pour être réalisables). Ou encore, une lutte pour un autre type de mixité sociale que celle prônée par quelqu’un comme le conseiller Claude Larose pour défendre les condos, soit une mixité qui combine les fonctions des édifices et qui permettrait de réaliser à la fois du logement et un espace voué à d’autres projets (réunions, cuisines collectives, librairies, ateliers, etc.). De fait, la lutte pour le logement social doit être comprise dans une perspective plus large qu’une simple guerre de chiffres. La lutte pour le droit de se loger comprend également une lutte pour l’amélioration de notre vie de quartier, pour la création d’espaces permettant de construire les liens sociaux qui aujourd’hui sont fragmentés, à l’image des condos, chaque petite unité étant séparée et isolée des autres. La lutte pour le logement social est une lutte que l’on doit mener collectivement, et en regardant à long terme les conséquences des politiques actuelles. L’occupation du 920 de la Chevrotière a aussi mis en évidence quelques contradictions existant au sein du milieu communautaire et populaire. La défense d’un projet concret et une lutte menée sur des enjeux politiques plus larges ne sont pas incompatibles. C’est malheureusement ce que la direction de la Fédération régionale des coopératives d’habitation de Québec (FECHAQ) n’a pas compris, qui a vu dans l’action politique du 920 une menace à son propre projet. Ce faisant, la direction de la FECHAQ a non seulement exécuté la sale besogne de la Ville, mais elle a rompu avec un objectif d’élargir son cadre d’action par une lutte politique. Des gens avaient par ailleurs décidé d’investir le 921 de la Chevrotière (soit l’édifice en face du 920, également abandonné), et des problèmes, représentatifs de notre société actuelle, sont survenus. Les gens du 921 étaient, pour la plupart, dans une précarité extrême, sans logement, exclus (par choix ou par force) des ressources en itinérance ou en santé mentale. Le réflexe est de vouloir se débarrasser le plus rapidement possible de ces dangereux éléments qui perturbent notre quotidien paisible et sécuritaire. Or, les problèmes de cette ampleur, que notre société, par manque de volonté, de solidarité et de ressources, gère avec un appareil de répression, ne disparaissent pas même si l’on déplace les gens qui les portent. On ne pose pas assez souvent la question fondamentale des causes de la violence et du désespoir chez certains individus que l’on ne veut surtout pas voir. On examine encore moins les manières alternatives de régler les problèmes sociaux à leur source, ou du moins, d’intervenir sur la vie des personnes qui souffrent des aberrations, de la violence et de l’exploitation du système capitaliste. Enfin, un bilan de ces quatre mois d’occupation doit considérer les divers éléments qui ont les composés. L’occupation du 920 de la Chevrotière représente une lutte politique globale tournée autant vers le logement social que vers l’idée d’une transformation profonde de la société. La lutte des occupantes et occupants du 920 de la Chevrotière se poursuit maintenant par d’autres moyens, mais elle est toujours orientée contre la construction de condos de luxe et pour la construction de logements sociaux. Leur lutte se situe également sur un plan plus large, qui concerne la façon d’investir et de se réapproprier nos quartiers. Dans cette lutte, toute personne intéressée peut s’investir. == Extrait du numéro de novembre 2002 du journal l'Infobourg.