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Par Nicolas Lefebvre Legault Même s’il porte la revendication des HLM depuis toujours, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) a décidé récemment de préciser ses revendications sur le sujet et de les mettre à l’avant plan. En effet, une campagne particulière, avec des actions à la clé, sera organisée d’ici un an pour faire connaître la revendication d’un nouveau programme de développement de HLM afin qui livrerait 4 000 unités par année, dont 350 dans la région de Québec.
La demande vient de la base du FRAPRU, comme l’explique François Saillant, coordonnateur de l’organisme. « Des gens dans nos groupes ont un grand besoin de logement social mais pour une raison ou pour une autre, ils n’arrivent pas à s’intégrer dans les formules existantes. » En effet, de rappeler le militant, « pour entrer dans un OSBL d’habitation, il faut avoir de gros problèmes spécifiques et pour être heureux dans une coopérative, il faut adhérer au projet et donc être en mesure de bien fonctionner en groupe et participer à toute une série de tâches. Or, il y a des personnes qui ne veulent pas ou qui ne peuvent pas à cette étape de leur vie fournir ce que demande une coopérative. Elles ne “fittent” donc nulle part ». Les groupes du FRAPRU estiment que ces gens-là ont des besoins en logement auxquels les HLM pourraient répondre si les listes d’attente n’étaient pas si longues. François Saillant ne comprend d’ailleurs pas pourquoi la revendication de HLM est si farouchement combattue par le mouvement coopératif. « Il me semble que ce serait dans leur intérêt. Si, faute de places en HLM, les gens n’ont pas le choix de demander une place en coopérative, ils vont le faire, mais ils vont adhérer aux coopératives sans en avoir réellement envie. Le résultat c’est que ces gens-là sont malheureux et que ça devient rapidement un irritant pour les autres membres de la coopérative. C’est un problème dans plein de coops. Avec des HLM en nombre suffisant, le problème ne se poserait pas de la même façon. » « Les HLM que nous voulons » Devant faire face à une revendication de nouveaux HLM, la classe politique a beau jeu d’encourager les préjugés. En effet, plusieurs personnes, à commencer par les militants et militantes du Comité populaire, ont des critiques sévères à l’endroit des immenses HLM construits dans le passé. C’est entre autres pour cette raison que le FRAPRU a tenu à préciser ses revendications. L’organisme souligne ainsi que « les nouveaux HLM devraient dans la mesure du possible être pleinement intégrés au quartier environnant ». Ce n’est pas là, soutient le coordonnateur du FRAPRU, une réponse aux critiques récurrentes des comités de citoyens et du mouvement coopératif. « C’était là avant dans les revendications du FRAPRU, dès 1981, et encore plus à cette époque, c’était important de se démarquer de ce qui existait. Dès le départ nous avons dit ce que nous voulions et c’est normal de revendiquer ça, étant donné la vision des HLM qu’on a. D’ailleurs, ça devrait être vrai de tous les types de logements. » Il semble que la revendication de l’époque ait porté fruit puisque, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le nombre moyen d’appartements dans les HLM-familles construits entre 1980 et 1994 est de 40, révèle la Fédération des locataires de HLM (FLHLMQ). « C’est l’équivalent de la taille des projets de coopératives qui se sont faits dans ces années-là », souligne son coordonnateur Robert Pilon. Pourquoi revendiquer des HLM? Robert Pilon est catégorique. « Nous revendiquons des HLM parce que ce sont des logements pas chers qui permettent au monde d’arriver, parce que ce sont des logements de qualité, dans lesquels les gens sont heureux de vivre. » Le loyer dans les HLM est fixé à 25 % des revenus des locataires et le FRAPRU revendique un loyer plafond pour éviter que les locataires qui améliorent leur sort, par exemple en se trouvant un emploi, ne soient forcés de quitter leur logement. Pour ce qui est de la satisfaction des locataires de HLM, Robert Pilon cite une étude menée auprès de 3 500 d’entre eux. Selon cette étude, 84 % des locataires sont contents d’habiter en HLM et 75 % conseilleraient à un ami de rester là. Sur le chapitre de la qualité, la FLHLMQ cite une étude de l’Université du Québec à Montréal qui démontre que les logements des HLM sont 10 % plus grands que ceux du marché privé et que les matériaux utilisés pour leur construction sont généralement de meilleure qualité. « C’est sûr que sur 65 000 logements, il y a des taudis, mais dans l’ensemble il y a un standard de qualité qu’on ne retrouve pas sur le marché privé », résume le coordonnateur de la Fédération. François Saillant explique quant à lui que le FRAPRU a remis cette revendication en avant notamment « parce que c’est la seule formule de logement social qui n’a pas connu de développement depuis neuf ans ». Mais les HLM comportent aussi un avantage de taille, affirme-t-il. « C’est un processus de sélection transparent et facile, la personne n’a qu’une seule demande à déposer à un seul endroit, contrairement aux coopératives et aux OSBL où il faut faire le tour des bâtisses. De plus, le règlement de sélection est strict, quand c’est à ton tour, c’est à ton tour. L’un des défauts du logement communautaire c’est que les locataires isolés, qui ne sont pas intégrés dans des réseaux sociaux, ont de la difficulté à obtenir les logements. » Le processus de sélection des HLM a cependant un effet pervers. Puisqu’il favorise toujours les personnes les plus dans le besoin à tous égards, quand on ne construit plus de nouveaux logements, comme c’est le cas actuellement, seuls les plus poqués des poqués y ont accès. « Le règlement d’attribution mène à une concentration des problèmes sociaux dans les HLM, c’est pour ça que nous voulons le réformer, pour permettre une plus grande mixité sociale », souligne Robert Pilon. Lui ou François Saillant ne le diraient sans doute pas ainsi, mais à moins de vouloir concrétiser une fois pour toutes tous les préjugés sur les HLM et rendre ces derniers définitivement invivables, il est urgent de construire de nouvelles unités, autrement on court au désastre social. La longue marche… Le FRAPRU revient de loin avec la lutte pour un grand chantier de logement social. En effet, dans le contexte du désengagement complet du gouvernement fédéral et de l’explosion néolibérale, il n’était pas évident de redonner à l’idée de logement social ses lettres de noblesses. C’est maintenant chose faite, plus personne ne remet en question la nécessité de développer du logement social pour contrer la crise du logement. « Gagner un programme de HLM sera tout un défi, estime François Saillant, mais le coup de barre a été donné au FRAPRU, on sort de la déclaration de principe et on va commencer à pousser des demandes spécifiques avec des pressions spécifiques. » Pour le coordonnateur du FRAPRU, ces demandes et ces pressions doivent « s’incarner dans des luttes locales si l’on veut gagner ». C’est loin d’être évident quand il n’existe pas de programme et le risque est grand de se battre dans le beurre mais, comme François Saillant le rappelle, « ça peut se faire, c’est comme cela qu’on a gagné des programmes de logements sociaux dans le passé, en 1980 et en 1994 ». == Extrait du numéro d'avril 2003 du journal l'Infobourg.