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Par Fabien Abitbol
Crédit photo : Fabien Abitbol
Le 16 avril 2004, Guy-André Kieffer disparaissait en Côte d’Ivoire à quelques jours de ses 55 ans. Il était journaliste et avait la double citoyenneté française et canadienne.
Jeune, Guy-André était parti vivre au Québec. C'étaientt les années 70, il était attaché parlementaire, et il a eu un enfant, Sébastien-Cédric Kieffer, qui vit à Mon- tréal et a soufflé ses 49 bougies en avril. Puis, en 1979, Guy-André est tombé sous le charme de Osange Silou, une étudiante guadeloupéenne en journalisme.
Quand j’ai rencontré Guy-André et Osange, c’était à Paris dans la deuxième moitié des années 80. Leur fille Canelle avait quelques mois : début mai elle a eu trente- huit ans. Je travaillais en Guadeloupe et des camarades m’avaient suggéré d’aller les voir. Nous avons rapidement sympathisé, puis Guy-André et moi avons fait quelques enquêtes ensemble, avec l’océan atlantique qui nous séparait.
« Un journaliste canadien est porté disparu en Côte d’Ivoire. Guy André Kieffer, un pigiste qui écrit pour la publication française La lettre du continent, n’a pas été revu depuis vendredi après-midi », annonçait Radio-Canada le 18 avril 2004, ajoutant que « les ambassades canadienne et française travaillent de concert pour retrou- ver sa trace ». À cette époque, j’habitais à Paris, à quelques centaines de mètres du domicile de Guy-André Osange et Canelle. Et j’avais les mêmes informations officielles, évidemment.
Puis je n’ai plus trop entendu parler des actions du Canada. Mais côté français, un juge s’est obstiné, jusqu’à être muté d’office. Il avait creusé des pistes, fermé des portes, fait retourner des terres, et était allé jusqu’à se déplacer à l’Élysée (siège de la présidence de la République française) pour saisir un dossier relatif à la dispari- tion de Guy-André Kieffer. Un fait si rare qu’un autre magistrat l’année précédente s’était fait montrer la sortie en enquêtant sur la mort d’un autre magistrat.
Je suis arrivé à Québec début octobre 2012. Je n’étais pas là depuis un mois que j’entendais parler de Guy-André un matin à la radio. Une fois de plus, une fausse piste que Radio-Canada avait tenté d’exploiter. En France aussi sur le service pu- blic, un journaliste s’acharnait.
Mais la coopération des autorités françaises a ses limites. Côté ivoirien, on a espéré lors du changement de régime. Mais c’était en vain. Côté canadien, je n’ai pas l’impression, depuis que je suis ici, que les autorités aient fait quelque chose. Mais bon, le Canada était « ce pays qui n’avait jamais eu de colonie », comme aimait à dire Osange.
En vingt ans, les parents de mon camarade sont morts. Et plus récemment, le 1er avril 2020, Osange est partie à son tour, au début de la COVID.
L’enquête suit son cours, m’a confirmé récemment Canelle. En droit français, l’en- quête avait été ouverte aux motifs d’enlèvement et séquestration. Contrairement à « assassinat », il n’y a pas de prescription des faits tant que l’enquête est ouverte.
Vingt ans sans rien savoir officiellement. Vingt ans avec des témoins et un suspect qui peu à peu sont morts. Vingt ans de mutisme diplomatique. Vingt ans pendant lesquels les médias parlent des journalistes morts, des journalistes otages, mais pas des « disparus ». La confraternité a parfois comme des pudeurs de gazelle.
Note : lors de sa disparition, Guy-André Kieffer travaillait sur les malversations dans la filière cacao. En 2010 est sorti un documentaire danois de Miki Mistrati sur l’exploitation des enfants dans l’industrie du cacao. Si vous cherchez le film The Dark Side of Chocolate, vous trouverez une version YouTube de ce documentaire de 48 minutes.