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Par Andrée O'Neill
Nous vivons dans une ère quasi entièrement numérique depuis au moins une décennie. Dossier santé, services bancaires, épicerie, applications de rencontre et communications interpersonnelles en général : tous les recoins de notre vie privée sont assujettis aux technologies de l’information, grâce à notre ordi, notre téléphone cellulaire, notre tablette, notre montre connectée, etc.
Nous sommes nombreuses et nombreux à n’y trouver que des avantages, mais à l’heure actuelle, il semble que ce sont surtout les grandes entreprises, notamment les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) qui tirent profit de notre générosité en matière de renseignements personnels. Pourtant, nos données devraient servir avant tout au bien commun.
Cécile Petitgand, entre autres fondatrice de l’entreprise de gestion de données Data Lama et conseillère auprès des Fonds de recherche du Québec, se préoccupe de cette question depuis des années. Dans Données personnelles : reprenons le pouvoir ! Réflexions sur la gouvernance citoyenne à l’ère numérique*, elle réfléchit à nos motivations contradictoires concernant nos renseignements personnels. D’une part, nous offrons sans hésiter nos données à des mégaorganisations commerciales, en acceptant sans broncher que nos téléphones intelligents soient
dominés par des applis privées qui pompent constamment nos informations. D’autre part, nous résistons fortement à fournir des infos personnelles à des organismes publics (comme l’a montré la méfiance d’une partie de la population pendant la pandémie, notamment devant la proposition de plusieurs gouvernements de télécharger une application pour suivre les contacts et les déplacements), même si nous devrions savoir qu’elles ont une valeur collective indéniable et que, par exemple, le croisement des données de santé a mené la recherche médicale à des avancées spectaculaires dans le combat contre certaines maladies.
Devant ces contradictions, c’est la gouvernance des données qu’il nous faut réinventer, selon Cécile Petitgand. Dans son texte de 70 pages, elle définit en cinq points les exigences de cette transformation de la gestion de nos données : informer, consulter, engager, collaborer et donner du pouvoir. « Donner du pouvoir », ce sont des mots qui devraient toucher un point sensible chez beaucoup de personnes moins aguerries aux technologies de l’information ! Pour ne citer que mon cas personnel, lorsque je me suis fait conseiller de remplacer (à coup de $$$) mon appareil parfaitement fonctionnel parce que son incompatibilité le rendait vulnérable aux cyberattaques et donc à la fuite de renseignements, je me suis sentie impuissante, comme une propriétaire de restaurant qui se fait demander un pizzo par un mafieux sous peine de voir son établissement partir en fumée. Donner du pouvoir et redonner confiance, voilà une piste à explorer en profondeur, selon l’autrice.
L’autrice prend aussi acte du défi majeur que pose l’intelligence artificielle, autre aspect des TI pouvant susciter des espoirs autant que des craintes. OpenAI, l’entreprise à la source de ChatGPT, génère ses vidéos ultra réalistes à partir de nos vraies données personnelles. Et jusqu’à maintenant, personne n’a réussi à l’en empêcher ou du moins à encadrer leur utilisation.
C’est pourquoi il est urgent de revoir le cadre législatif qui régit l’appropriation de nos données par des organismes tant publics que privés. Pour y parvenir, il faut mettre à contribution les citoyen·ne·s, les entreprises, les gouvernements et la société civile.
Voilà un ouvrage indispensable pour qui veut se renseigner sur notre avenir numérique et sur la valeur collective de nos données.
* Cécile Petitgand, Données personnelles : reprenons le pouvoir ! Réflexion sur la gouvernance citoyenne à l’ère numérique, Presses de l’Université Laval, 2024.