Par Fabien Abitbol 

Dans un passé récent, imaginez une seconde que Philippe Couillard n’ait pas pu être premier ministre du Québec et Justin Trudeau, premier ministre du Canada uniquement à cause de leur ascendance… Ça vous semble farfelu ? C’est pourtant ce que les moins de 54 % des Gabonais·e·s qui ont voté le samedi 16 novembre ont décidé à plus de 91 %. 

On savait cette année 2024 très dense en élections. Rien que l’Inde, l’Europe et les États-Unis, ça représente déjà du monde. Mais il y a eu des surprises (des bonnes, et des moins bonnes en matière d’avortement aux États-Unis). 

La surprise du chef nous est venue en novembre du Gabon. Après plus de 41 ans de présidence de Omar Bongo, cette ancienne colonie française avait été présidée par Ali Bongo (fils du défunt) qui en était à presque 14 ans de présidence lorsqu’il s’est fait renverser par un coup d’État le 30 août 2023, quatre jours après les élections. 

Dorénavant, pour être candidat·e à l’élection présidentielle, il faudra : 

  • être né•e Gabonais•e d’au moins un parent gabonais•, lui-même né Gabonais•e (le « de souche » s’incruste) 
  • être marié•e à un•e Gabonais•e, d’au moins un parent gabonais né lui-même gabonais 
  • ne pas avoir d’autre nationalité depuis au moins trois ans (au Québec une telle clause aurait éliminé Philippe Couillard : il était Français) 
  • avoir résidé au Gabon au moins les trois années précédant l’élection, sans discontinuer 
  • avoir entre 35 et 70 ans 
  • être marié à un Gabonais de sexe opposé (exclusion des homosexuels) 
  • jouir de ses droits civiques (c’est la moindre des choses) 
  • être en bonne santé physique et mentale (alors qu’un autre article de la constitution dit que les personnes handicapées ont les mêmes droits que les autres). 

Le mandat présidentiel reste fixé à sept ans, mais il devient impossible de faire plus de deux mandats. 

L’épouse et les enfants du président ne peuvent pas se présenter. Au Gabon, il y a eu la famille Bongo père et fils, et au Canada, la famille Trudeau père et fils. 

Seul le couple hétérosexuel est reconnu. Toutefois, certains textes méritent des éclaircissements, notamment par rapport à la famille hétéronormée. Il est impossible de dire avec certitude ce qu’il adviendra des personnes homosexuelles. Ali Bongo avait dépénalisé l’homosexualité, mais Affaires mondiales Canada prévient que cette pratique n’est pas socialement acceptable. 

Il n’y a plus de premier ministre, mais un vice-président du gouvernement. 

La nouvelle constitution maintient le français comme langue officielle, et Libreville comme capitale. 

Le service militaire est obligatoire. 

Dans les 173 articles de la nouvelle constitution, une série de droits et de devoirs sont reconnus aux citoyen·ne·s, certains devant être définis par la loi ordinaire. Par exemple, la nouvelle constitution consacre le droit à la propriété privée aux Gabonaises et Gabonais. Toutefois, elle ne précise rien pour les résident·e·s étranger·ère·s et les sociétés étrangères. On ne sait donc pas à l’heure actuelle si « Gabonais » se réfère à la citoyenneté à la résidence ou autre. À titre d’exemple, il est présentement interdit à certaines personnes non canadiennes d’acheter de l’immobilier au Canada. 

Le Gabon se dote d'une nouvelle constitution