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Crédit photo : Guitté Hartog
Par Gabrielle Verret
C’est en marge d’une manifestation anti-choix, la première de l’histoire du Québec, que plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées pour revendiquer haut et fort le droit à l’autonomie corporelle et reproductive. Cette contre-manifestation, qui a eu lieu le 1er juin dernier, dans le parc de la Francophonie, était organisée par la Fédération de planning des naissances et le comité Riposte, formé de plusieurs groupes alliés. Bien qu’au Québec il existe un large consensus social pour le droit à l’avortement, les personnes pouvant être enceintes doivent constamment lutter pour défendre leurs droits devant des mouvements antiféministes et transphobes.
Un droit fondamental
Selon la Déclaration universelle des droits de l’Homme, toutes les personnes ont le droit « à la dignité, à l’autonomie, à l’information, à l’intégrité physique, au respect de leur vie privée, au meilleur état de santé possible, à la santé sexuelle et procréative, et à ne pas être soumises à la torture et à des traitements cruels, inhumains et dégradants ».
Au niveau législatif, le droit à l’avortement constitue donc un droit fondamental, car il est directement protégé par cette déclaration. Le droit international stipule également que toute personne a le droit à l’autonomie corporelle : « les décisions relatives au corps de chacun·e appartiennent à chacun·e ». Quant à l’autonomie reproductive, également protégée par le droit international, elle se définit comme suit : « le droit de prendre des décisions autonomes en matière de procréation ». Ainsi, empêcher une personne d’avoir le droit à l’avortement et par le fait même l’obliger à poursuivre sa grossesse porte atteinte à de nombreux droits mentionnés plus tôt, comme le droit à la vie privée, ainsi qu’au droit à l’autonomie corporelle et reproductive.
Ici au Canada, c’est depuis 1988 que l’avortement a été décriminalisé avec la décision Morgentaler stipulant que criminaliser l’avortement porte atteinte au droit à la sécurité des femmes. Au niveau des provinces canadiennes, l’accessibilité est très inégale malgré la décriminalisation. Par exemple, l’Îledu-Prince-Édouard et l’Alberta n’ont que très peu de cliniques d’avortement. Le nouveau Brunswick, quant à lui, refuse de payer pour des IGV ayant lieu en dehors d’un hôpital.
Une montée de la droite conservatrice, menace pour nos droits
Depuis l’arrêt fédéral Roe Vs Wade, chez nos voisins du Sud, en juin 2022, c’est près de 65 000 grossesses issues d’un viol qui ont été recensées, selon la revue médicale JAMA Internal Medicine (janvier 2024). Cet arrêt permettait aux personnes ayant un utérus, partout à travers le pays, de procéder à une interruption de grossesse volontaire (IGV), et ce, depuis 1973.
Depuis deux ans maintenant, c’est chez près de la moitié des États américains qu’on retrouve des restrictions ou des interdictions au droit à l’avortement. Certains États comme le Texas, le Missouri et l’Oklaoma interdissent l’IVG même en cas de viol ou d’inceste. Dans cinq autres États, en avril dernier, ce droit fondamental était en danger de subir des changements législatifs, dû au fait que des textes visant à l’interdire étaient contestés au niveau judiciaire.
Un enjeu de sécurité et de santé
Par contre, bien qu’il s’agisse d’un droit protégé par les chartes internationales, encore aujourd’hui, dans le monde, plusieurs personnes pouvant être enceintes voient leurs droits bafoués, ce qui a de nombreuses conséquences sur leur sécurité et leur santé (peines de prison, traitements cruels, inhumains et dégradants, discriminations, etc.) Dans le même ordre d’idées, l’avortement est soumis à une interdiction absolue dans 21 pays dans le monde, notamment à Madagascar, en Égypte, au Laos, au Nicaragua et en Irak. Cette criminalisation est intimement liée à la mortalité maternelle, car les personnes pouvant être enceintes choisiront parfois de subir un avortement dit non sécuritaire, soit « un acte destiné à mettre fin à une grossesse effectuée par des personnes ne disposant pas des qualifications adéquates ou bien se déroulant dans un environnement non conforme aux normes médicales minimales, ou encore dans ces deux circonstances », selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Toujours selon l’OMS, ce serait 22 millions de ces avortements qui sont pratiqués chaque année à l’échelle mondiale. Ils seraient la troisième cause de mortalité maternelle dans le monde.
Outre les conséquences non négligeables sur la santé de milliers de personnes, la criminalisation de l’avortement a de nombreuses conséquences judiciaires. Les conséquences pour les personnes pratiquant des avortements varient selon les États, allant jusqu’à des peines d’emprisonnement à vie au Texas. Les peines sont également dirigées envers les personnes subissant l’avortement, comme dans certains États du Mexique où elles peuvent aller jusqu’à 30 ans si une IGV ou une fausse couche arrive au-delà de 20 semaines.
Une meilleure accessibilité revendiquée
ien que l’avortement soit décriminalisé au Québec, du chemin reste à faire pour rendre plus accessible le droit à l’autonomie corporelle et reproductive. On pense notamment à l’accessibilité des cliniques d’avortement, inexistantes dans de nombreuses régions. Les cours d’éducation sexuelle, dès le primaire, sont plus que nécessaires, tout comme l’accompagnement des personnes qui doivent les donner. Dans le même ordre d’idées, une contraception gratuite, comme c’est le cas en Colombie-Britannique depuis le 1er avril 2023, est également liée à ces droits fondamentaux.
Au niveau structurel, pour viser à diminuer les effets des inégalités liées au genre, plusieurs groupes demandent plus de place en milieu de garde et plus de logements sociaux adaptés. Au Québec, selon Ma place au travail, c’est plus de 30 000 enfants qui sont sur une liste d’attente.