- Accueil
- À Propos
- Journal l'Infobourg
- Campagnes
- Rue Saint-Jean
- Urgence d'occuper !
- 30 km/h dans le Faubourg Saint-Jean-Baptiste
- Rues partagées
- Patro Saint-Vincent-de-Paul
- Tourisme et Airbnb
- Coopérative d'habitation La Contrescarpe
- (Archives) Rues partagées : rue Sainte-Claire
- (Archives) Boucherie Bégin
- (Archives) Coopérative La face cachée
- (Archives) Défendons nos logements sociaux
- (Archives) Pédaler dans le quartier
- (Archives) Circulation de transit D'Aiguillon
- (Archives) Coop l'Escalier
- Nouvelles
- Soutien aux initiatives
- Documentation
Par Charles-Olivier P. Carrier Crédit photo : Fabien Abitbol La brise qui souffle sur le pavé brûlant transporte la chaleur à travers les foyers du faubourg. L’ombre d’une canopée est une douceur réservée à la cour intérieure et la seule forêt publique au-dessus du quartier est celle des conifères nus d’Hydro-Québec. Lorsqu’il fait chaud dans Saint-Jean-Baptiste, il fait vraiment chaud. La nuit, au deuxième, côté rue, on est forcé de choisir notre poison : le vacarme chaotique des festivaliers ivres ou la température suffocante de l’air stagnant. C’est comme ça, ici, que vivent les « locaux » durant l’été, et c’est aussi ce que subissent les touristes qui veulent faire « comme les locaux ». Mais ne pas dormir la nuit, c’est délicat lorsque l’on paie le gros prix. Sur le site web d’Airbnb, c’est la consternation générale : pourquoi n’offres-tu pas la clim dans ton loft ou ton condo tout neuf ? 99 raisons Entre avril 2016 et avril 2018, les enquêteurs du ministère du Tourisme ont fait émettre 99 contraventions pour hébergement touristique illégal, dont 35 à Québec (1). On estime entre 2 000 et 2 500 annonces d’hébergement touristique dans la ville seulement sur le site d’Airbnb. De ce nombre, si nous nous fions aux données fournies par le ministère du Tourisme sur la quantité de demandes d’attestation de classification qu’ils ont autorisées, une très faible portion serait légale (2). Le ministère du Tourisme visiblement dépassé par la situation, la responsabilité des enquêtes et des inspections a été transférée le 12 juin à Revenu Québec. Selon Radio-Canada, en 18 jours, entre le 18 juin et le 6 juillet, le nouveau mandataire a réalisé 1 451 inspections de plus que le ministère du Tourisme en deux ans (3). Comme quoi, avec de la volonté et des moyens, on peut réaliser ce que l’on pensait impossible. Mais quelle volonté ? « L’important, c’est de s’assurer du respect des obligations fiscales pour éliminer toute concurrence déloyale dans le secteur de l’hébergement touristique », a répondu la porte-parole de Revenu Québec. Révélateur. C’est dans ce rôle de gardien et facilitateur de l’expansion du marché que l’État moderne s’est montré le plus efficace. Si on se réjouit que la température monte pour les propriétaires d’auberges illégales, restons tout de même lucides. Ce n’est pas pour la défense de la vie de quartier que l’État mobilise ses ressources, mais plutôt pour la normalisation, l’intégration au marché de l’hébergement du type Airbnb. Et puis, pour le moment, c’est plutôt facile d’émettre des contraventions. À Québec, avec le moratoire, virtuellement toutes les annonces affichées sur le web sont illégales et Airbnb a accepté de coopérer avec Revenu Québec pour la perception des taxes sur les transactions réalisées sur le site, fournissant du même coup de précieuses informations à l’État. Mais pour combien de temps ? Volontarisme À Québec, dans une consultation présidée par les représentants et représentantes de l’industrie touristique, on a convenu d’un plan typique de la logique bureaucratique : on va restreindre l’utilisation commerciale d’Airbnb aux artères commerciales et permettre l’utilisation non commerciale (chez l’occupant ou l’occupante) partout ailleurs. Écartant la discussion juridique sur la possibilité pour la Ville de Québec de créer ces nouvelles catégories de logements, on peut se demander : comment la Ville pense-t-elle faire appliquer le règlement ? Il fait 35 degrés à l’extérieur. La salle de conférence de l’hôtel de ville est rafraichie par la climatisation centrale. Elle permet aux mesdames et aux messieurs âgés, habillés de vêtements griffés, de parler des tendances touristiques des mystérieux « milléniaux » sans trop transpirer. Un homme aux cheveux gris et à l’air important prend le micro. Voilà qu’il nous présente l’une des recommandations de ce comité de travail voulant qu’un registre municipal soit créé, permettant ainsi magiquement de faire le suivi du phénomène toujours grandissant dans la ville. « Si l’infrastructure web permet une inscription rapide, il sera facile pour les hôtes de résidences touristiques de s’inscrire et ainsi de les réguler ». Selon lui, proprios et autres illégaux sur Airbnb vont carrément se dénoncer eux-mêmes si le mécanisme d’inscription est suffisamment simple. Comment allumer un feu Le ministère du Revenu se trompe lorsqu’il prétend qu’Airbnb est un enjeu financier. La Ville se trompe lorsqu’elle prétend qu’Airbnb est un enjeu de droit territorial. Airbnb est un enjeu existentiel. C’est le dernier avatar d’une lutte permanente sur le terrain de la vie. La vie de quartier. Nous devons impérativement reconnaitre les processus généraux, globaux, qui affectent notre quartier. Indépendamment de ce que sont le droit ou la fiscalité, l’image de Saint-Jean-Baptiste est devenue intéressante à consommer pour une certaine population, qu’elle soit en vacances ou en condo. C’est comme cela qu’ils y viennent. Parce que c’est tendance ; parce que les briques rouges, les lattés et les bières de micros, c’est beau et c’est bon ; parce que la vie de quartier est authentique. C’est ce qu’ils viennent acheter ici. Et tranquillement, la vie s’échappe, consumée dans le feu de leurs besoins et de leurs moyens de riches, à grands coups de caméras et de flics... Et ça ne changera pas avec un nouveau zonage ou des taxes plus justes. On pourrait dire que si Airbnb est un outil qui approfondit un peu plus cette tendance à la séparation du monde, même sa disparition n’entraînerait pas la fin du processus. Il ne reste qu’à lutter. Lutter pour éviter que les quartiers deviennent ce que le Vieux-Québec est à présent : un désert en carton-pâte. Il faut animer le quartier, occuper ses parcs, ses poteaux de téléphone, ses rues, ses petits commerces, ses murs. Un des phénomènes qui permet la prolifération d’Airbnb, c’est celui de ne plus connaître nos voisins, et de s’en foutre. Quitte à utiliser et développer des formes le favorisant (groupe communautaire, coopérative d’habitation, amitié), nous devons reprendre possession de notre monde... et le défendre. (1) En vous rappelant, par ailleurs, qu’au printemps 2017, le Comité populaire a déposé au ministère et à la Ville un dossier bien étoffé de 15 plaintes. (2) Julie Marceau, 27 avril 2017, La loi Anti-Airbnb a peu d’effets. Récupéré de https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1030589/la-loi-anti-airbnb-a-peu-ef... logements-location-quebec-montreal (3) Alexandre Duval, 24 juillet 2018, Québec, championne de l’hébergement touristique illégal ? Récupéré de https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1114296/quebec-airbnb- hebergement-touristique-illegal-constats-infraction