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Par Kéven Bibeau-Létourneau Crédit photo: Fabien Abitbol Saint-Jean-Baptiste, ses commerces de proximité, sa population hétéroclite, ses trottoirs défoncés, le charme de ses poteaux d’Hydro-Québec, et désormais son eau potable dont la qualité est sujette à caution. En effet, des analyses faites dans une résidence du quartier ont montré des teneurs en plomb dépassant largement la valeur limite de tolérance. C’est au cours de travaux d’excavation effectués dans le vide sanitaire d’une maison de la rue Saint-Olivier que la découverte suivante fut faite au début de l’été. Une trouvaille un peu moins emballante que celle de la tombe de Samuel de Champlain : ce fut plutôt une entrée de service d’eau potable en plomb qui a été mise à jour. Sachant que l’environnement est au Nouveau Monde ce que le progressisme est à l’Arabie Saoudite, il n’est pas étonnant de voir que ce métal a encore été utilisé sous nos contrées parfois jusque dans les années 1970, tandis que certains pays l’ont banni depuis plus d’un siècle. Dans ce contexte, soucieux de savoir si cet élément hautement nocif est en train sournoisement d’empoisonner les résidents et résidentes depuis plusieurs années, des analyses ont été commandées au laboratoire de la Ville de Québec afin de déterminer la concentration de plomb dans cette eau prétendument potable et savoir si la norme de 10 μg/L* édictée par le Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable est respectée. Comme le veut la procédure, trois prélèvements ont été effectués : un échantillon pris au deuxième litre d’eau écoulé, un deuxième fait après une minute d’écoulement, et un dernier après cinq minutes. Après analyse, le premier échantillon a révélé une concentration de... 577 μg/L, soit plus de 57 fois la norme. Bingo, nous avons un gagnant ! Peu convaincu par la véracité du résultat, cette valeur fut d’abord considérée comme erronée, avant d’être confirmée au plus grand bonheur des personnes concernées. Après une minute d’écoulement, la teneur en plomb dépassait encore de quatre fois la norme, et après cinq minutes, la valeur était supposément inférieure à la norme, mais sans pouvoir se fixer sur un chiffre précis. Considérant, d’une part, que la Ville se laisse un délai allant jusqu’à cinq ans pour intervenir et, d’autre part, que le règlement sur la qualité de l’eau potable n’exige pas d’émettre systématiquement un avis de non-consommation dans le cas d’un dépassement de la norme, l’affaire pourrait avoir du plomb dans l’aile. Mais avec une telle concentration, la Ville s’est heureusement mise en mode proactif, considérant le cas comme alarmant, et s’est engagée à faire changer ces charmants éléments plombés à court terme. Ceci étant, la rue Saint-Olivier, listée comme prioritaire, aurait dû faire l’objet d’une réfection totale en 2013 afin de procéder, en particulier, au remplacement des conduites et des arrivées d’eau. Un an plus tard, abracadabra ! Repoussé aux calendes grecques, ce grand projet semble avoir été relégué au fin fond des oubliettes. Dans le même temps, une contre-analyse sera faite l’été prochain afin d’infirmer ou de confirmer la première analyse, et compte tenu du fait qu’il peut rester du plomb à d’autres endroits du réseau. Le plomb, qu'est ce donc? Le plomb fait partie de la catégorie des métaux lourds et a été couramment utilisé dans la plomberie (d’où le nom) en raison de son faible coût et de la facilité à le travailler (flexible, malléable, et possédant un bas point de fusion) avant de découvrir froidement le cocktail d’effets indésirables qu’il causait sur la santé. Comme ses autres amis le cadmium, le mercure et le nickel – spécialité qui concerne nos voisins de Limoilou –, le plomb possède la fâcheuse habitude de s’accumuler dans le corps en ciblant particulièrement le système nerveux. Comme tout élément néfaste qui se respecte, il vise prioritairement les enfants et les femmes enceintes, provoquant troubles mentaux et retards de développement. Que faire en cas de doute? • Avant de plonger dans les limbes du labyrinthe bureaucratique reliant les municipalités à la province en passant par divers organismes et règlements afin de statuer sur cette problématique, vous pouvez toujours effectuer les actions suivantes afin de limiter la concentration de plomb dans l’eau : Faire tester votre eau. La Ville de Québec offre, dans les zones à risque, une analyse de l’eau en juillet de chaque année. Des laboratoires indépendants peuvent aussi faire cette analyse pour des frais d’environ 50 $. • Surtout ne pas faire bouillir l’eau. Cela peut au contraire augmenter la teneur de plomb dans l’eau par l’effet d’une plus grande solubilité de cet élément à mesure que la température de l’eau augmente. • Avant la consommation, faire couler l’eau au minimum 5 minutes ou attendre qu’elle soit bien froide, car c’est dans l’eau stagnante que le plomb se dépose (au niveau gaspillage on repassera, mais il faut bien choisir ses guerres). Vous procurer un pichet filtrant ou placer un filtre sur le robinet (les personnes à très bas revenus apprécieront). Ces appareils doivent être certifiés conformes à la norme NSF/ANSI n°53**. * L’unité μg/L correpsond à un microgramme par litre (1 milliardième de gramme par litre). ** Le terme NSF indique la certification et la fiabilité d’un produit par la National Science Fondation. Le chiffre 53 indique une certification relative aux normes de santé, en particulier le plomb.