Par Fabienne Pion 

Crédit photo : Émilie Côté 

Le 8 novembre, une dizaine d’associations étudiantes de l’Université Laval étaient en grève pour la rémunération des stages. Mais qu’est-ce que cela signifie réellement ? 

Un petit historique

D’abord, la Coalition de résistance pour l’unité étudiante syndicale (la CRUES) explique que ce mouvement a débuté en 2015 avec des étudiant·e·s en psychologie qui désiraient recevoir une rémunération pour leur internat. Cette mobilisation mena à une grève de deux mois et permit la création par le gouvernement de 250 bourses de 25 000 $. Depuis, les étudiant·e·s des différentes formations nécessitant un stage, accompagné·e·s de leurs allié·e·s, se mobilisent pour promouvoir le fait que tout travail mérite salaire. L’une des plus mémorables mobilisations fut en 2023 lorsque plus de 64 000 étudiant·e·s furent en grève partout au Québec dans le cadre de la Journée internationale des stagiaires. Depuis 2015, le mouvement a connu des évolutions. L’une des plus marquantes serait l’apparition du désir de salarisation plutôt que de rémunération. En effet, le principe de rémunération fait référence à n’importe quel moyen de compensation financière, comme des bourses ou un montant symbolique. De son côté, la salarisation aborde non seulement le fait de recevoir un salaire, mais aussi un contrat de travail, avec toutes les protections légales que cela procure. Ces deux visions, n’étant pas nécessairement contradictoires l’une avec l’autre, sont nécessaires pour permettre d’offrir une réponse appropriée aux différents milieux de stage. En effet, les multiples contextes de stage (nombre d’heures, milieux, charge de travail, etc.) demandent des réponses adaptées aux différentes réalités.

Est-ce vraiment possible à mettre en place ?

Malgré les croyances qui peuvent être diffusées par les instances décisionnelles, il existe des exemples de rémunération pour de la formation pratique financée par le gouvernement. En effet, en novembre 2023, le gouvernement du Québec a annoncé offrir une formation accélérée rémunérée à 750 $ par semaine dans le secteur de la construction. Cela s’ajoutait aux bourses de diplomation allant de 9 000 $ à 15 000 $ que les finissant·e·s recevaient déjà à la fin de leurs 4 à 6 mois de formation.

Un enjeu féministe

En 2023, les femmes représentaient environ 69 % des stagiaires au niveau collégial et universitaire, selon l’IRIS. De plus, une grande partie des stages non rémunérés sont dans des milieux traditionnellement féminins et du care (soin), comme l’enseignement, le travail social et les soins infirmiers. Les domaines du care se définissent comme les emplois centrés sur le principe de prendre soin des autres, que ce soit au niveau de la santé physique ou psychologique. Dans ces milieux, les heures demandées de stage peuvent varier de 45 à 600 heures. En travail social, par exemple, si les stagiaires recevaient le salaire minimum pendant leur stage, celles-ci recevraient environ 11 907 $ pendant leur année, ce qui permettrait d’améliorer significativement leurs conditions de vie. De fait, la non-rémunération met les stagiaires dans une situation financière précaire. Cela les force à se trouver un emploi, ce qui rajoute un risque d’épuisement et une charge mentale. Par conséquent, les stagiaires arrivent déjà épuisé·e·s et endetté·e·s sur le marché du travail. En plus, ce sont des milieux qui, par la suite, ont généralement des conditions de travail plus difficiles, ou des salaires et des horaires peu compétitifs, ce qui vient encore plus les vulnérabiliser. La mise en place d’une rémunération pour les stages pourrait permettre une valorisation de ces domaines d’emploi en démontrant leur importance et en assurant aux futurs·e·s professionnel·le·s des conditions gagnantes pour leur carrière. Cela permettrait aussi de défaire la croyance voulant que ces emplois soient des « vocations » et justifiant leur sous-financement comparativement aux autres emplois Au final, la question qui serait plus pertinente à se poser serait la suivante : le gouvernement peut-il se permettre de perdre de plus en plus de futur·e·s travailleur·se·s dans ces milieux si importants pour le bien-être de notre société ? 

La rémunération des stages