Par la Ligue des droits et libertés-Section de Québec

Au Québec, on peut être emprisonné pour des amendes impayées en lien avec les règlements municipaux et certaines lois provinciales. Selon la Ligue des droits et libertés-Section de Québec (LDL-Qc), dans le cas des marginaux qui sont judiciarisés, il s’agit du résultat injuste d’un processus qui pose problème du début jusqu’à la fin. En effet, les personnes itinérantes – parce qu’elles sont itinérantes – n’ont tout simplement pas le choix de contrevenir à plusieurs règlements : vivre (« flâner ») et dormir dans des lieux publics, mendier ou se construire un abri. De plus, les personnes marginalisées sont davantage ciblées (profilées) que leurs concitoyennes et concitoyens par les forces de l’ordre. Bon nombre d’entre elles reçoivent des contraventions à répétition.

En résumé, une personne qui a de graves problèmes économiques, psychologiques ou de santé est inévitablement mise en position d’illégalité. Sa condition fait qu’elle gère très mal (ou pas du tout) les différentes contraventions qui en résultent : comment payer quand on n’a pas d’argent ? Comment suivre les procédures judiciaires et respecter des ententes avec le percepteur quand on peine à survivre ? Les montants gonflent à chaque étape des procédures et, quelques années plus tard, un policier embarque la personne pour un séjour en prison. Pour les personnes qui vivent avec des problèmes de santé mentale ou physique, ou qui sont désorganisées, les travaux compensatoires ne sont pas toujours adaptés. Il ne reste alors qu’une option : la détention.  

Des conséquences désastreuses

D’un point de vue humain, les conséquences sont désastreuses : stress, peur de sortir de chez soi, stigmatisation sociale, déstabilisation du processus de réinsertion sociale ou pertes matérielles.

Puisque l’itinérance est dans la plupart des cas un phénomène circonstanciel ou cyclique, il arrive que ces personnes se stabilisent et retrouvent un emploi ou un logement, reprennent les études, forment un couple, aient des enfants ou aient entament une démarche psychosociale. L’emprisonnement impose une cassure dans leurs processus de rétablissement en les coupant de leur milieu et en leur faisant perdre leurs fragiles acquis.

Le Code de procédure pénale du Québec impose donc la prison pour des fautes comme le flânage, l’ivresse en public ou la sollicitation de quelques sous aux passants. La LDL-Qc souligne qu’aucun de ces comportements n’est dangereux. Ils peuvent être, à la limite, dérangeants ou nuisibles. Il s’agit en fait de comportements inévitables en situation d’itinérance et, souvent, le résultat d’un profilage, c’est-à-dire la pénalisation d’un comportement qui serait autrement toléré pour le commun des mortels.

Si l’emprisonnement ne se concrétise pas toujours, l’éventualité d’avoir à le subir est extrêmement anxiogène pour les personnes judiciarisées. Alors pourquoi punir aussi sévèrement des gens qui ne sont pas dans les conditions (économiques, sociales ou psychologiques) permettant de payer une dette souvent absurde ?

Pour un moratoire sur l’emprisonnement pour amendes impayées !

Selon la LDL-Qc, cette pratique devrait cesser au plus vite afin que les plus exclus de notre société aient une chance de s’en sortir. C’est pourquoi la LDL-Qc demande qu’un moratoire à court terme soit imposé à Québec sur l’emprisonnement pour amendes impayées et que le Code de procédure pénale soit modifié à moyen terme afin qu’il ne soit plus possible de faire subir un traitement aussi injuste et discriminatoire.

Pour appuyer les revendications de la LDL-Qc, rendez-vous au www.pasdeprison.ca.


Des alternatives?

Selon la LDL-Qc, la principale solution serait de cesser de harceler les marginaux et de leur donner des contraventions pour éviter de les judiciariser inutilement. Par contre, une fois dans la « machine », il est important de développer des processus juridiques qui tiennent compte de leur réalité. La Ville de Québec travaille d’ailleurs à la mise sur pied d’un tribunal et d’une perception adaptés.  Il s’agit du projet IMPAC (Intervention multisectorielle programmes d’accompagnement à la cour municipale) qui vient de terminer son projet pilote d’une année. La Ville en est à un premier bilan. Il s’agit donc d’un dossier à suivre.

La LDL-Qc pour sa part mène aussi un projet pilote de clinique juridique communautaire depuis l’automne dernier. L’objectif serait de crééer un organisme communautaire de défense collective des droits afin de représenter et accompagner les personnes judiciarisées dans les dédales du système.

===

Extrait du numéro d'automne 2014 du journal l'Infobourg.

Pas de prison pour des contraventions !