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La grève du communautaire vue de Saint-Jean-Baptiste. Ici, la murale éphémère réalisée sur la vitrine de la boucherie Bégin. Plusieurs autres photos sur notre page facebook (ici, ici et ici). (Il y a aussi une vidéo un peu plus bas) Par Nicolas Lefebvre Legault Nous avons été témoin, les 2 et 3 novembre dernier, d’une mobilisation sans précédent : la toute première grève du communautaire de l’histoire du Québec. En tout 1431 organismes ont sorti les pancartes contre les politiques d’austérité et le sous-financement chronique des groupes communautaires. Le mouvement a même enregistré un premier gain, la reconduction pour trois ans des subventions des groupes de défense collective des droits comme le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste, mais la bataille est loin d’être terminée. Une grève historique Plusieurs se demandaient à quoi ressemblerait une grève du communautaire. Contrairement aux grèves classiques, l’objectif de la grève du communautaire n’est pas de faire pression sur un employeur, il ne s’agit pas d’une grève des salarié-e-s mais d’une grève des groupes. Concrètement, ça fonctionne un peu comme une grève étudiante, il s’agit de suspendre les activités habituelles des organismes et de libérer du temps et des énergies pour permettre aux gens de participer aux actions. Et ça marche ! On calcule que plus de 12 000 personnes ont été mobilisées aux quatre coins du Québec. Fait à noter, la grève du communautaire a été menée en dehors des instances officielles représentant le mouvement auprès du gouvernement. C’est en passant par les deux grandes campagnes actuelles de lutte contre le sous-financement, Je tiens à ma communauté, je soutiens le communautaire et Les droits, ça se défend !, que les groupes se sont coordonnés. L’unité qui s’est manifestée sur le terrain entre les secteurs de la défense de droits et de la santé et des services sociaux est inédite. Loin d’une mobilisation corporatiste, la grève dénonce autant les mesures d’austérité du gouvernement Couillard que le sous-financement chronique des groupes communautaires. Au nom de l’équilibre budgétaire, le gouvernement fait des choix qui ont de graves conséquences sur la population et sur les organismes communautaires. « Pourtant, le Québec a les moyens de faire autrement, en commençant par reconnaitre que le soutien aux organismes est un investissement dans la communauté et dans la prévention plutôt qu’une simple dépense », rappelle Mercédez Roberge de la campagne Je tiens à ma communauté, je soutiens le communautaire. Puis, pour renflouer les coffres de l’État, les groupes sociaux proposent un ensemble de solutions fiscales permettant d’aller chercher plus de 10 milliards de dollars. « Taxe sur le capital des banques, régime entièrement public d’assurance médicaments, paliers d’imposition véritablement progressif pour les particuliers, lutte efficace contre les paradis fiscaux et plus encore ! Les organismes haussent le ton et exigent d’aller chercher l’argent là où il y en a pour les financer adéquatement et pour protéger les acquis sociaux », explique-t-elle. Une mobilisation soutenue à Québec La grève du communautaire a débuté le 2 novembre par un geste de solidarité : la participation massive aux différentes chaines humaines du mouvement «Je protège mon école publique». Après cela les groupes se sont fait voir de mille et une façon. Par exemple, dans Saint-Jean-Baptiste il y eu une distribution de tracts avec bannières et pancartes au coin Salaberry et chemin Sainte-Foy. Le clou de la première journée a toutefois été l’occupation simultanée des bureaux de comtés des sept députés libéraux de la région de Québec par quelques 150 militant-e-s. S’il y a déjà eu des occupations coordonnées dans la région, c’était la première fois qu’il y a en avait autant en même temps. Il s’agit d’un véritable tour de force logistique rendu possible par la grève. D’autres actions ont ponctuées la journée, dont une caravane sur la rive-sud de Québec, une manifestation locale en basse-ville et la réalisation d’une grande murale éphémère sur la façade de l’ex-boucherie Bégin. Le lendemain matin nous avons remis ça dans le quartier avec une marche locale «le faubourg contre l’austérité». Sur l’heure du midi, une centaine de personnes ont participé à l’occupation de la succursale du boulevard René-Lévesque de la Banque nationale. En après-midi il y a eu une zone de grève centrale au parc Saint-Roch et, finalement, une grande manifestation régionale de soir rassemblant plus de 700 personnes (ce qui en fait la deuxième plus grande manifestation de la grève, la plus massive celle de Montréal, qui a regroupé 5 000 personnes).
Grève du communautaire from Comité populaire SJB on Vimeo.
Un premier gain… amer? Dans les jours suivant la grève le ministre responsable du Secrétariat à l’action communautaire autonome et aux initiatives sociales (SACAIS), Sam Hamad, a annoncé le renouvèlement des subventions des organismes de défense collective de droits pour trois ans. Cette annonce a été accueilli «avec soulagement» par la campagne nationale de ce secteur mais avec «amertume» par le regroupement régional comptant le plus de groupes de défense collective de droits. « Nous constatons que la mobilisation sans précédent des groupes communautaires a bel et bien apporté des gains concrets pour la défense collective des droits, celui de la préservation de nos acquis », a déclaré Caroline Toupin, porte-parole de la campagne Les droits, ça se défend. « Pour nous, il est clair que sans cette importante mobilisation des derniers jours, nous serions encore dans l’incertitude quant à notre avenir », poursuit-elle. Le Regroupement d’éducation populaire en action communautaire (RÉPAC) était toutefois d’un avis légèrement différent quelques jours plus tard. « C’est sans aucun doute la mobilisation historique des derniers jours qui a forcé le ministre Hamad à faire cette annonce. Mais cette victoire est amère car du même coup le ministre rejette l’ensemble de nos demandes financières du revers de la main », a déclaré Vania Wright-Larin, porte-parole du regroupement. «Continuer à appauvrir les groupes de défense de droits pendant trois longues années, c’est absolument inacceptable. Le ministre est complètement déconnecté de notre situation financière. Peut-être croit-il que les groupes vont se démobiliser ? Là encore, il démontre qu’il ne connait pas la réalité vécue dans les groupes.» Les deux regroupements rappellent qu’entre 2004 et 2014, le financement total accordé aux quelques 320 groupes en défense de droits n’a augmenté que de 10%. Durant la même période, l’indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 19,8 %. «Trois autres années sans indexation, ça aurait des conséquences majeures sur les activités et les services offerts à la population. L’indexation, c’est le minimum viable. Moins que ça c’est tout simplement inacceptable », a martelé le porte-parole du RÉPAC. Rappelons que, outre l’indexation, les groupes revendiquent également un rehaussement financier de 225 millions de dollars en santé et services sociaux et de 40 millions en défense collective des droits. == Extrait du numéro de décembre 2015 du journal l'Infobourg