Par Simon Pouliot Le 16 mars dernier, une grande nouvelle a été dévoilée par la Ville de Québec. L’Équipe Labeaume compte élaborer un grand projet de réseau de transport structurant dans la capitale. Si ces mots peuvent sembler un peu vides de sens ou du moins être flous (n’avons-nous pas déjà un réseau de transport en commun ?), le projet mis sur la table est très intéres- sant, et ce, sous plusieurs aspects. Les détails ne sont pas tous décidés, mais beaucoup d’informations sont disponibles, ce qui permet d’avoir une bonne vue d’ensemble du projet. Voici un portrait de ce qui est annoncé jusqu’à maintenant. Avant toute chose, qu’est-ce que ça veut dire un projet de transport en commun structurant ? La définition donnée par Vivre en Ville, un OSBL créé dans le but d’aider les municipalités à établir des villes viables, va comme suit : « La notion de réseau structurant de transport en commun est utilisée pour décrire un, ou un ensemble de parcours offrant un niveau de service suffisant pour influencer l’organisation du territoire – en favorisant par exemple la densification des villes. Ce réseau joue également un rôle déterminant dans l’organisation de l’ensemble des transports collectifs d’une région. Un mode de transport n’est pas structurant en lui-même, cette caractéristique découle plutôt de la qualité de l’offre de service et de l’articulation étroite entre la planification de la mobilité et l’aménagement du territoire ». De cette définition, il est facile de comprendre que le réseau de transport actuel n’est pas nécessairement structurant. En effet, selon les critères de Vivre en Ville, il faut qu’un réseau de trans- port structurant remplisse la majeure partie des besoins en mobilité d’une ville, soit fiable, et donc que la ville lui accorde une priorité vis-à-vis des autres modes de transport, ait une capacité et une vitesse élevée, ait une grande amplitude de service, soit de tôt le matin à tard le soir, et ce, la semaine comme la fin de semaine. C’est ce que le projet proposé par la Ville offre avec l’inauguration de deux nouveaux modes de transport qui s’arrimeront au réseau déjà existant, qui lui sera modifié pour élargir davantage l’offre de transport. Tout d’abord, un tramway sera ajouté. Il partira du terminus Charlesbourg en longeant la 1ère Avenue et se terminera au nouveau terminus Le Gendre (qui est actuellement un Parc-o-Bus). Mais de manière à desservir abondamment le centre-ville, il passera par le quartier Saint-Roch, la colline Parlementaire et l’Université Laval. Autrement, un Trambus (un métrobus à trois modules) partira quant à lui de d’Estimauville pour finir à l’Université Laval, mais en empruntant le boulevard Charest pour mieux desservir la Basse-Ville. Outre ces deux trajets supplémentaires, les ajouts au système de transport offrent de nombreux autres avantages et s’imbriquent dans un changement complet du réseau. Premièrement, le tramway tout comme le trambus auront leurs voies réservées en tout temps et ne seront donc pas assujettis aux aléas du trafic automobile. Ceci a l’avantage de donner un service qui est plus constant, fiable et rapide. Fini le temps où autobus et automobiles faisaient la queue dans le trafic, transformant un trajet qui dure habituellement vingt minutes en un trajet qui prend quarante minutes à compléter. D’ailleurs, pour éviter davantage de congestion, le parcours du tramway aura deux passages souterrains pour éviter les artères principales de la Haute-Ville, ce qui facilitera la circulation dans ces rues déjà surchargées. Le tramway, avec une capacité de 260 personnes, une vitesse maximale de 70 km/h et des passages pré- vus aux trois à cinq minutes aux heures de pointe, et le trambus, avec une capacité de 150 personnes et des passages aussi fréquents, pourront être l’alternative efficace dont la ville a besoin. Deuxièmement, l’ajout de ces deux nouveaux trajets viendra s’imbriquer dans le réseau existant qui sera modifié à son tour pour éviter les redondances de service. De ce fait, les parcours existants seront modifiés pour couvrir des secteurs moins bien desservis et amélioreront donc l’étendue du réseau de transport. En effet, selon les statistiques de la Ville de Québec, 65 % de la population sera située à moins de 10 minutes de marche d’une composante du réseau et de nouvelles destinations pourront être desservies. De plus, de nouvelles stations faciliteront la transition entre le réseau de bus, les métrobus, le tramway et le trambus, mais aussi avec les autres modes de transport. Des parc-o-bus seront construits pour permettre aux personnes en automobile de garer leur voiture pour ensuite utiliser le transport en commun de leur choix. À ceci s’ajoutent de grands stationnements pour bicyclettes qui permettront d’en faire de même pour les cyclistes. Finalement, les nouvelles additions au réseau de transport seront accessibles aux personnes à mobilité réduite. Troisièmement, on ne peut passer à côté des enjeux environnementaux soulevés par la question des transports collectifs. D’une part, le tramway sera entièrement électrique. Le trambus, quant à lui, sera hybride ou totalement électrique. D’emblée, ces transports sont plus écologiques que des transports au pétrole, mais leur impact va bien au-delà. Toujours selon la Ville de Québec, un métrobus peut remplacer 62 voitures à l’heure de pointe, un tramway peut en remplacer beaucoup plus. L’impact sur les émissions de gaz à effet de serre n’est donc pas seulement ce que le tramway ne produit pas, mais surtout les milliers de voitures par jour qui, potentiellement, ne seront pas sur les routes. Ces automobiles en moins auront aussi un effet direct sur la qualité de vie des utilisateurs des routes qui subiront moins d’embouteillage, mais aussi sur les personnes résidant dans les quartiers centraux qui subissent en ce moment l’afflux de trafic dans leur quartier. En somme, le projet semble une très bonne idée. C’est d’ailleurs ce que mentionne Accès transports viables dans un communiqué : « Experts, utilisateurs, jeunes et groupes environnementaux lèvent leur chapeau aux élus de la Ville de Québec et du gouvernement du Québec, ainsi qu’aux fonctionnaires qui ont dessiné un véritable réseau de transport en commun digne d’une grande ville, sur mesure pour Québec ». En effet, les améliorations proposées pourraient permettre à notre réseau de transport de passer définitivement au statut de réseau de transport structurant. Le projet n’est cependant pas garanti : certains acteurs continuent d’être contre l’implantation de celui-ci. Même si le maire va de l’avant, l’inauguration est prévue pour 2026. Est-ce que la population de la ville de Québec va endurer le système désuet pendant encore 8 ans ? Certains ajustements peuvent certainement être faits d’ici-là. Quelques craintes demeurent aussi quant à l’accessibilité au réseau de transport. Pour l’instant, le réseau de transport structurant fonctionnerait avec les mêmes tarifs que le réseau actuel et aucune augmentation n’est prévue. Par contre, rappelons que certains groupes citoyens réclament une tarification sociale pour le transport en commun, voire la gratuité, puisque pour les personnes en situation de pauvreté, il est déjà trop cher. De plus, si les nouveaux modes de transport seront effective- ment accessibles aux personnes à mobilité réduite, qu’en est-il des autres autobus ? Les bus et express ne sont toujours pas accessibles a pour ces personnes comme les métrobus peuvent l’être. L’étendue de service disponible aux personnes à mobilité réduite est donc beaucoup moins grande. Finalement, il est impossible d’ignorer les enjeux d’embourgeoisement le long des nouvelles lignes de transport. Avec l’annonce des futurs trajets, il ne serait pas surprenant de voir déjà des entrepreneurs spéculer sur des terrains à proximité du tramway ou du trambus. Il est certain que ces terrains gagneront en valeur simplement en raison de la proximité du réseau de transport structurant. Ceci est particulièrement problématique puisque ces trajets passent dans les quartiers populaires de Québec et donc pourraient faire gonfler les loyers des personnes les plus pauvres. Cela est d’autant plus frustrant étant donné que se sont ces personnes qui utilisent majoritairement les transports en commun, et donc qui gagneraient davantage à vivre à proximité du tramway. Il est du devoir de la Ville de Québec d’implanter des mesures pour freiner ces phénomènes. Ces mesures peuvent prendre la forme d’achats de terrains par la Ville afin de favoriser la construction de logements sociaux ou encore l’obligation d’un pourcentage d’inclusion de logements subventionnés dans les nouvelles constructions. Sources citées : Vivre en ville (s.d.). « Réseau structurant de transport en commun», Collectivitesviables.org. En ligne : http://collectivitesviables.org/articles/reseau-structurant-de-transport.... Ville de Québec (2018). « Réseau structurant de transport en com- mun », Ville de Québec. En ligne : https://www.ville.quebec.qc.ca/apropos/planification-orientations/transp... index.aspx Accès transports viables (2018). « Transport en commun à Qué- bec : Un réseau digne d’une grande ville et sur mesure pour Qué- bec », Accès transports viables. En ligne : http://transportsviables.org/2018/03/16/transport-en-commun-a-quebec-un-...

Réseau de transport structurant, qu’ossé ça mange en hiver ?